Je venais de fêter mes onze ans deux mois auparavant, avec comme cadeau, entre autre, une magnifique Coupe de France glanée au nez et à la barbe des nantis monégasques. Je me souviens comme si c’était hier de cette fabuleuse soirée où les Messins entrèrent dans l’histoire !
À l’époque, pas de diffusion à la télé, pourquoi y en aurait il eu une ? Stade 2, L’Équipe, France Football, Onze Mondial, pour ne citer qu’eux, donnaient le FC Metz perdant face à la constellation de stars barcelonaises et de son entraîneur Terry Venables, une référence. Gérard Holtz déclarait à qui voulait l’entendre, « c’est impossible, le FC Metz est déjà éliminé de cette coupe d’Europe. » Comment pouvait il en être autrement après avoir perdu 2-4 à domicile, en offrant 3 buts à leurs adversaires.
C’était sans compter sur l’orgueil des barbus, moqués à l’aller par les internationaux qui composaient cette équipe du Barça. A l’issue du match ils déclaraient aux médias espagnols que les messins étaient des jambons ou encore que le FC Metz était une petite équipe en concluant qu’ils s’étaient bien amusés à Saint-Symphorien.
Marcel Husson, pour motiver ses hommes le 3 octobre 1984, n’hésitait pas à rappeler les propos des catalans à ses troupes tout en n’oubliant pas de souligner que c’était le gardien remplaçant qui serait titulaire pour cette joute.
Comme d’habitude, j’étais obligé de me coucher à 21h00, école oblige. Vous savez ce que c’était, les parents ne rigolaient pas avec ça !
J’avais le bonheur d’avoir un radio réveil dans ma chambre, après avoir feinté mon sommeil à ma mère, je m’empressais de mettre mes écouteurs en prenant soin de me cacher sous les draps. Le match avait commencé depuis 15 minutes, toujours 0-0 ! Ouf je n’avais rien raté, Michel Ettorre était à la parade, il venait d’effectuer un arrêt absolument incroyable sur sa ligne face à une tête à bout portant de Carrasco.
Metz, qui avait retrouvé sa solidarité, se repliait rapidement en défense chaque fois que les Catalans amorçaient une attaque.
Schuster frappait au but, Philippe Hinschberger lui répondait. Mais son tir filait juste au dessus de la barre. On y était presque, moins une et on ouvrait le score !
Les commentateurs n’étaient pas très motivés à l’idée de nous faire suivre cette rencontre surtout après l’ouverture du score de Carrasco, déjà buteur à l’aller !
33 éme minutes et 1-0 pour le Barca, « Flûtec’est mal parti » comme on disait à l’époque ! Je commençais vraiment à douter de cette qualification, pourtant d’après la radio, les Messins étaient loin d’être ridicules. À juste titre puisque 2 minutes à peine après l’ouverture du score des Espagnols, Tony Kurbos égalisait: 1-1. Dans la foulée Sanchez marquait contre son camp (2-1) sous la pression de Jules Bocandé. Après que Luc Sonor, sur l’engagement suite au but, eut piqué la balle à Archibald pour la passer à Bernad, ce dernier lançait Tony Kurbos qui centrait pour l’attaquant sénégalais, Sanchez en voulant dégager marquait contre son camp. J’essayais de contenir ma joie pour ne pas alerter ma mère, sans quoi c’en s’était fini du match. La moitié du chemin était fait, impensable pour les Espagnols, inimaginable pour les Lorrains.
Mi temps 2-1 pour le FC Metz au Camp Nou! Qui l’eût cru ? Certainement pas les Catalans venus peu nombreux au stade, à peine 24 000 spectateurs.
Les commentateurs se prenaient à rêver, l’intonation de leur voix était beaucoup plus joyeuse, comme si les 2 buts messins avaient levé tous les doutes de cette qualification impossible. Ils se mettaient à rêver: 2 buts comme en première mi-temps et le FC Metz entrerait dans l’histoire !
C’était reparti pour 45 minutes, Michel Ettorre regagnait sa cage, sûr de lui. Comment pouvait-il en être autrement lui qui venait d’annihiler les occasions de Schuster et de ses coéquipiers lors de la première mi-temps ?
Les Barcelonais avaient l’air de douter, Bernad en profitait en régalant ses partenaires par la qualité de son jeu de passe (dixit la radio) et sur un magnifique lob, il lançait Kurbos dans le dos de la défense : BUT !!!!
J’étais fou, j’avais envie de sauter partout, mais je ne pouvais pas, alors je faisais la fiesta dans mon lit. L’exploit était proche, les Barcelonais étaient KO, Jean François Rhein s’excitait. Tout comme nous, il croyait en l’exploit des grenats. Pour l’anecdote seules Radio L (Direct FM) et France Inter avaient couvert l’événement. Les Messins poussaient, la tension devenait étouffante. Le Barca résistait et commençait à se poser des questions, préférant défendre pour conserver leur avantage et assurer la qualification. Luc Sonor et Barraja étaient sortis sur blessures, Alain Colombo et le jeune Thierry Pauk avaient effectué leur entrée à l’heure de jeu, se mettant au diapason de leurs coéquipiers.
Plus que 8 minutes de jeu, la fatigue se faisait sentir sur le terrain comme dans ma chambre, mais je ne pouvais pas dormir, pas possible, pas ce soir. Ettore repoussait une offensive d’Archibald, les Messins ne cédaient pas. Et là, la radio explosa, Tony Kurbos inscrivait le quatrième but pour le FC Metz, son troisième de la soirée, HAT TRICK ! Jules Jules Bocandé venait d’offrir la balle de qualification à l’attaquant yougoslave. J’en avais rêvé et les Messins l’avaient fait.
Je criais, je sautais de joie et je tombais du lit, tout heureux de ce dénouement. Ma mère débarquait en panique, pensant à l’accident. Me voyant tout hilare son inquiétude disparaissait rapidement pour faire place à des remontrances.
Ah, là j’étais grillé mais pas grave, quel match ! J’avais toujours mon casque sur les oreilles et l’arbitre sifflait la fin de la partie, pendant que ma mère me sermonnait.
J’enlevais mes écouteurs pour entendre « tu es puni de télévision pendant une semaine » !
Pas grave, Metz était qualifié en réalisant un des plus grands exploits d’un club français en coupe d’Europe ! Une de ces punitions prise avec plaisir car cette soirée en valait vraiment la peine. Ce soir là, mon sang était devenu définitivement Grenat.
Mounir Mougin