[Frédéric Hantz] “Je tenais à remercier les supporters”

Avare d’interviews (Frédéric Hantz refuse en dehors des conférences de presse), le coach Grenat a donné l’exclusivité aux Socios. Metz bien sûr, la Ligue 1, le mercato d’hiver, ses envies, tout y passe …

(NB : Cette interview a été réalisée jeudi 26 avril, 2 jours avant le déplacement à Lille, le FC Metz n’a pas souhaité qu’elle soit publiée avant le match.)

On dit et fait quoi après Lyon (défaite 0-5) ?

En toute modestie, c’est d’abord afficher soi-même une confiance dans ce qu’on fait, dans ses compétences, de la transmettre aux joueurs et qu’ils prennent conscience que chaque match doit se préparer avec beaucoup de détermination et de conviction. Du fait de la râclée de Lyon, dans la semaine qui a précédé Rennes, j’ai évidemment insisté sur le travail défensif, beaucoup. La vraie difficulté dans le management d’entraîneur c’est qu’il y a ce que l’on sent qu’il faut faire pour les matchs, et puis il y a ce que les joueurs peuvent faire ou veulent faire. Après Lyon, il y a eu une sorte de plus grande implication de la part des joueurs, lié à la peur d’être ridicules surtout, et, un élément fondamental, c’est que depuis trois semaines on a le même groupe à l’entraînement, parce qu’une saison comme celle-ci je n’en ai jamais connu une pareille en terme de blessures surtout de très longue durée, et on arrive aujourd’hui à une consistance qu’on n’a jamais eu avant.

Il y a toute une mécanique verbale à avoir, en terme à la fois de tactique et d’émotion.

La première période à Rennes est très moyenne, finalement ce sont vos mots qui ont pesés ?

C’est vrai, la première période n’est pas bonne, mais la notion d’effort était là. Il y avait une mauvaise utilisation du ballon, beaucoup de joueurs ont fait des fautes qui les ont mis en danger. Je sors Jonathan (Rivierez) à la pause car il était tout près du rouge. Un changement à la mi-temps fait aussi réagir les joueurs, et après il y a la réussite de marquer sur deux contres et de ne pas prendre pour une fois de but sur la fin de match. C’est un ensemble de choses qui, après la semaine vécue, te font dire que ça redevient possible, parce que c’est assez extraordinaire qu’on gagne à Rennes. De leur part, il y a peut-être eu un petit relâchement, du fait de mener 1-0 chez eux face au dernier, c’est assez légitime.

 

D’ordinaire, à la mi-temps dans le vestiaire, il se passe quoi ?

D’abord, on laisse récupérer les joueurs, certains ont besoin de se parler entre eux, si ce dialogue s’installe je les laisse parler. Par exemple à Rennes, j’ai tardé à prendre la parole parce que je savais que j’allais faire un changement. J’avais dit à Julian (Palmieri) de s’échauffer encore cinq minutes pendant la mi-temps et donc j’attendais son retour pour donner les consignes. Il y a donc eu un temps assez long où les joueurs ne savaient pas que j’attendais ça, ils étaient dans l’attente de ce que j’allais dire et je ne disais rien. Il y a eu trois, quatre minutes de silence qui étaient très intéressantes. Parfois je vais voir individuellement certains joueurs et puis il y a un discours collectif de quatre, cinq minutes avec à 90% une projection sur la seconde période. Les mots sont très importants. Il y a toute une mécanique verbale à avoir, en terme à la fois de tactique et d’émotion. Dans le temps qui ramène aux vestiaires, le cerveau est en effervescence par rapport justement aux mots que l’on va dire, à la précision, etc. Contre Saint-Etienne, par exemple, on mène 2-0 à la pause mais j’étais fou de rage en rentrant aux vestiaires parce qu’on a failli prendre un but juste avant qui, je pense, nous aurait fait perdre le match.

 

Contrairement au début de saison, on retrouve en match ce que vous faites à l’entraînement…

Oui, mais pas assez. En Ligue 1 ce sont les joueurs qui font l’entraîneur, et pas l’inverse. On ne peut être performant que si les joueurs de talent arrivent à accumuler les matchs ensemble. On manque cruellement d’automatismes. La seule fois où on a pu avoir le même onze d’un match à l’autre, c’est entre Montpellier et Strasbourg (ndlr: en décembre, victoires 1-3 et 3-0), parfois à cause de certains joueurs que je trouvais en très grande méforme, etc. Quel que soit le travail à l’entraînement, sans automatismes entre les joueurs, ça impacte forcément moins. Aujourd’hui on a un meilleur rendement parce que l’équipe bouge moins. On est surtout beaucoup plus consistant dans les matchs, avant on avait des trous d’air pendant parfois trente ou quarante minutes, c’était énorme. Ça n’a plus rien à voir, on est tard dans la saison et on est au niveau de la cohésion, à ce qu’on devrait être en septembre-octobre à peu près.

A certains moments on n’a pas pu aller dans les exigences de la Ligue 1.

A l’entraînement, vous êtres hyper pointilleux, soucieux du moindre détail, vous avez connu de nombreux coachs, ça vient de qui ce fonctionnement ?

C’est un ensemble. J’ai appris de chacun. Pour la rigueur, j’ai beaucoup appris au FC Metz avec Joël Muller. C’était travail et concentration. Avec Albert Emon à Nice c’était beaucoup axé sur la relation entre les joueurs. Avec Alain Laurier à Istres, j’ai beaucoup appris tactiquement. A Metz j’ai appris ce qu’était un club de Ligue 1 dans son fonctionnement. Avec Carlo Molinari, j’ai appris la relation avec les partenaires, l’importance de l’institution, les supporters.

 

Metz a perdu de nombreux matchs après avoir ouvert le score, la guigne ?

On a souvent parlé de préparation athlétique, notamment en première partie de saison, mais Hugo Cabouret est quelqu’un de très compétent. On ne peut faire aller les joueurs à un certain niveau d’exigence que s’ils en sont capables, mais à certains moments de la saison on n’a pas pu aller dans les exigences de la Ligue 1 et donc on a baissé l’intensité pour avoir un onze à peu près correct. Donc si on s’est fait rejoindre autant c’est parce qu’on n’a pas pu mener le groupe aussi loin que souhaité athlétiquement, et sur certains matchs on a eu beaucoup trop de déchet technique d’où des vagues successives et au bout d’un moment tu prends le but. Donc il faudra corriger des choses la saison prochaine avec des joueurs physiquement capables d’enchaîner les matchs avec une haute intensité, et la justesse technique évidemment…

 

 

Credit: JEFFROY GUY/SIPA

 

Offensivement c’est plutôt déséquilibré sur les côtés, Matthieu Dossevi a pris une envergure majeure, le FC Metz est dépendant ?

Matthieu, c’est un droitier qui joue à droite, c’est important, Nolan Roux est un droitier qui joue à gauche. Ce ne sont pas les mêmes profils mais la complémentarité existe aussi de par ces différences de profil. Ce que je regrette surtout c’est qu’on n’ait pas complété ça à gauche par de l’efficacité venant de derrière. Je n’ai jamais été dans un club avec quatre arrières gauche, et à un moment donné les quatre étaient indisponibles.

Moussa Niakhaté est au-delà des espoirs que le club avait en lui l’été dernier.

Milan Bisevac est en forme à l’entraînement, il est placardisé ?

Non, l’expression est complètement déplacée. Son dernier match officiel c’est à Toulouse, en novembre. Avant il était sorti face à Lille de sa propre initiative, et à Dijon il sort aussi, toujours de sa propre initiative et depuis rien. Il a été longtemps en convalescence et il a fallu qu’il reprenne du rythme en N3, et aujourd’hui j’estime qu’il est prêt. Pour lui comme pour d’autres, à la 35è journée tu ne regardes pas le palmarès, tu regardes ce qu’il peut apporter à l’instant T. Il était sur la banc face à Caen mais je ne voulais pas tout bouleverser après la victoire à Rennes. Face à Toulouse où la rumeur dit qu’il ne voulait pas entrer, il était remplaçant et il n’est pas rentré. Point.

 

On reste un peu sur notre faim avec Danijel Milicevic… 

En première partie de saison, il a manqué un joueur pour faire le relais entre le milieu et l’attaque. Florent Mollet a joué ce rôle en fin d’année mais s’est blessé, et dans l’incertitude des conditions de son retour j’ai souhaité l’arrivée d’un joueur de ce profil. Danijel est arrivé avec son expérience riche et a bien débuté. Puis l’équipe a été moins performante et lui aussi. C’est le genre de joueur bon quand il enchaine les matchs. Aujourd’hui Florent est devant et c’est plus difficile pour Danijel de rentrer dans les matchs. Mais c’est un grand professionnel et il est toujours très positif.

 

Vous avez la réputation d’être un dénicheur de talent, vous appelez souvent des jeunes du centre de formation à participer à l’entraînement avec les pros, pourtant aucun n’est parvenu à s’imposer, pas même Vincent Thill , il manque quoi à ces jeunes ?

Chacun son métier, je ne suis pas un dénicheur de talent, je suis capable de recruter. Je l’ai fait dans le passé. Mon métier c’est entraîneur. Un joueur s’il passe c’est qu’il a du talent. Pour parler de Vincent Thill puisque vous le citez, il est très jeune, il a signé pro très tôt, il faut pouvoir assumer tout ça. Vincent a beaucoup de talent, il a un physique qui fait qu’il lui faudra du temps pour qu’il puisse s’exprimer au plus haut niveau. Pour lui c’était tôt c’est parfois pas bien accepté par des joueurs qui estiment que eux l’auraient mérité. Vincent est un gamin que j’adore, quand je le vois aujourd’hui je souffre parfois pour lui. On sent qu’il est capable de mieux faire, on aimerait qu’il fasse mieux. Il y a un faisceau de choses autour de lui qui ne lui ont pas permis d’accélérer sa progression, et même des choses dont on pensait que ça l’aiderait ne l’ont pas favorisé. Je pense que Vincent a été mis dans un statut trop tôt et de part sa personnalité, son physique, a besoin de temps et il faudra lui donner du temps sinon il n’avancera pas. À la fin de la saison, il faudra analyser ce qui a été fait avec lui et repenser son avenir de manière intelligente et adaptée à lui dans la situation dans laquelle il est. Un prêt peut être une option.

 

Metz a le 8è meilleur buteur, le 3è meilleur passeur, un international espoir derrière, un ex international tricolore, le gardien de la sélection nippone qui va jouer le Mondial, on explique comment que le FC Metz soit dernier ?

Vous me parlez de 5 joueurs. Il y en a 30. Ces joueurs ont fait leur travail par rapport à leur performance. Il y en a 4 sur 5 qui sont arrivés cet été. On ne peut pas leur demander de tout bouleverser si vite. Ce sont peut-être les leaders de l’équipe en tous cas ceux qui sont le plus performant, avec Renaud Cohade sur la régularité. Ça a été dur pour eux car ils sont arrivés avec beaucoup d’ambition et la situation collective les a déstabilisés. Ce sont des joueurs exemplaires dans leur attitude dans leur professionnalisme. Par exemple, Moussa Niakhaté est peut-être le meilleur défenseur de la saison au FC Metz, et il arrive de Ligue 2 et découvre la Ligue 1, il a 21 ans. On ne peut pas lui demander de porter des choses qui n’étaient pas prévues qu’il porte, parce que d’autres ne les ont pas portées… ou d’avoir une influence dans le vestiaire à la place de certains qui ne l’ont pas eue, pour des blessures ou pour d’autres raisons… Par rapport à sa saison, il est au-delà des espoirs que le club avait en lui l’été dernier. Il est très sollicité par de grands clubs et il a toutes les qualités, physiques, techniques, mentales, tactiques, pour faire une très grande carrière. Il a besoin d’acquérir de l’expérience.

 

 

 

Crédit: A. Mounic, l’Equipe

 

Metz a encaissé 72 buts l’an passé pourtant la défense n’a quasi pas bougé, il n’y a pas comme un problème ?

En janvier, on considère que Milan Bisevac pourra revenir rapidement, BAE est valide et tu te dis que si tu ramènes des joueurs leaders derrière pour en mettre en concurrence d’autres tu vas aggraver la situation. Avant mon arrivée, je voyais que tu récupérais le ballon quand il sortait uniquement mais collectivement et individuellement tu n’en gagnais pas un. Le chantier était partout, parce qu’on ne marquait pas beaucoup non plus, tout était au rouge.

 

Au mercato hivernal pourtant, vous souhaitiez l’arrivée d’un défenseur central, vous ne l’avez pas eu…

Au mercato j’ai souhaité qu’on se renforce d’abord au milieu. J’ai déterminé les profils et le club a pris les joueurs. J’ai proposé des noms mais il y a ce que tu proposes et ce que tu peux avoir aussi. Mon objectif était de prendre un milieu défensif puissant. Il y a eu 3 arrivées, j’en souhaitais 4. C’est un grand enseignement pour moi à l’avenir par rapport à ce que le FC Metz peut faire et ne pas faire.

Il y a vingt ans, le FC Metz, c’était le Guingamp d’aujourd’hui.

C’était une question de moyens ?..

Bien sûr, comme dans beaucoup de clubs.

 

Des clubs au budget sensiblement équivalent à celui de Metz arrivent à se pérenniser en Ligue 1 (Montpellier, Guingamp, Angers, Dijon, etc.) et Metz ?

Il y a 20 ans, le FC Metz c’était le Guingamp d’aujourd’hui. Dans certains domaines, le FC Metz a beaucoup d’atouts et probablement plus que certains clubs cités, mais dans d’autres domaines il a accumulé beaucoup de retard. Chaque club a son modèle et les clubs qui réussissent sont les clubs qui optimisent leur modèle. Il faut être excellent dans ses forces avant tout. Par exemple, Montpellier suite au titre en 2012, a fait un centre d’entrainement extraordinaire qui fait que l’ensemble du club travaille dans des conditions optimales. C’est un nouvel élan. De ce point de vue là, le FC Metz a manqué des étapes, de manière évidente.

 

Vous avez travaillé avec l’inénarrable Louis Nicollin, une vedette médiatique et très à cheval sur tout à Montpellier, avec Bernard Serin c’est “pépère” à côté ?

Loulou (Nicollin) était très peu présent en réalité, il déléguait beaucoup, du fait notamment de ses problèmes de santé. Il faisait, c’est vrai des sorties médiatiques très exagérées à l’encontre de tout le monde, les joueurs, le staff, les supporters, mais en terme de management il n’était plus dans la démarche qu’il avait eu auparavant. Bernard Serin a une personnalité très différente et un fonctionnement très différent. Il a des responsabilités professionnelles importantes en dehors du FC Metz, c’est très respectable. On s’appelle deux fois par semaine, il me dit ce qu’il voit et sent de l’extérieur, c’est une façon de faire que j’apprécie. Le modèle Serin peut très bien fonctionner dans un club de Ligue 1.

 

Une expérience à l’étranger, ça vous parle ?

Un jour oui, j’espère. Aujourd’hui dans la vie qu’on vit, je pense que de ne pas vivre une expérience à l’étranger, c’est quelque chose à la fin de ma carrière qui me manquerait. Comme j’espère entraîner jusqu’à 70 ans, j’ai encore le temps d’y penser (rires).

 

Et un autre jour, le retour à Rodez pour boucler la boucle ?

Je suis les résultats de Rodez, c’est ma ville. Je suis content de leur parcours en National, j’espère qu’ils joueront les barrages, je suis déjà content que ce ne soit pas contre Metz (rires). Ce n’est pas dans mes objectifs de retourner à Rodez, toutefois dans le football comme dans la vie rien est impossible. Aujourd’hui je te dis ça mais peut-être que dans quelques années je serais directeur sportif ou président du club !

Nous remercions Frédéric Hantz et le FC Metz pour cet entretien. 

Propos recueillis par Mounir M. et Olivier S.

 

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