Interview : Pierre Bouby : “Faire venir Bölöni, c’est une bonne chose”

En vue de la reprise de la Ligue 2 ce samedi 30 Juillet, Socios fc metz a pu s’entretenir avec Pierre bouby en partenariat avec la chaine l’equipe, qui diffusera une rencontre par journée de championnat en clair. Saison à venir, reconversion et passé en Grenat, l’ancien joueur messin, aujourd’hui consultant pour l’equipe, évoque tout, sans détour, et fait le point sur la situation du club à la Croix de Lorraine. 

T.M. : A deux semaines de la reprise, toujours aucune recrue à l’horizon, comment sens-tu la saison à venir pour le FC Metz ?

P.B. : Je ne la sens pas trop mal. Même s’il n’y a pas eu de recrues, il y a eu du mouvement avec pas mal de retours de prêt et une nouvelle direction sportive. Il y a peut-être moins ce phénomène de descente qui reste dans la tête un petit moment après la fin de saison. Après le match nul contre Sedan, j’avais lu que Bölöni disait qu’il était plutôt énervé par rapport au manque de concentration plutôt qu’à un manque de talent défensivement. Et ensuite, même si Troyes est dans une situation un peu bizarre avec Irles, je trouve que c’est pas mal sur cette préparation. Des choix forts ont été faits par le président par rapport à la direction sportive et ce qu’il veut mettre en place par la suite. Pour moi ce n’est pas forcément un échec d’être descendu. Il y a eu beaucoup de travaux, on est dans une période particulière avec le covid et Antonetti était arrivé en fin de cycle. Je sens plutôt une dynamique positive autour de Bölöni et je pense que le début de saison va être ultra important. Metz doit être absolument prêt dans 15 jours.

T.M : Tu en ferais donc un des favoris à la remontée immédiate ?

P.B. : Oui clairement, clairement. Ne serait-ce que par rapport à son statut au niveau administratif, structure sportive, centre de formation, c’est un favori. Après la Ligue 2 va être ultra-concurrentielle cette saison, ça va être compliqué, mais Metz a une connaissance de ce niveau malgré tout. Ils avaient fait un bon cycle en Ligue 1 depuis la dernière montée mais ils sont capables de répondre aux attentes à ce niveau. Et ils ont pris un coach qui n’est pas réputé pour rester sur ses acquis et chercher des excuses.

T.M. : Frédéric Antonetti est parti, Lazslo Bölöni est arrivé, tu penses quoi de ce changement d’entraîneur au FC Metz ?

P.B. : Je pense que c’était nécessaire. Au niveau du management, j’aime bien Antonetti mais pour moi l’entraîneur c’est vraiment par rapport à une situation, à un cycle et ce que veut mettre en place un club. Je vais prendre un autre exemple mais quand on voit les coachs qui sont arrivés à Paris et qui se sont retrouvés dans une situation compliquée, ce n’était pas parce qu’ils étaient des mauvais coachs. Il faut un coach adapté à la situation. Le choix de Bölöni pour moi est cohérent par rapport à ce que le club veut mettre en place et l’ambition que le club veut mettre cette année. Je trouve qu’après une descente, faire venir un coach qui a ce discours et cette réputation de travailleur, de recherche de performance, c’est une bonne chose. Je trouve aussi qu’il a changé dans son management et sa façon de voir le football. Peut-être moins rigoureux et moins buté, mais plus à l’écoute et plus dans la volonté de mettre les joueurs dans les meilleures dispositions.

M.M. : Justement Pierre, toi qui a évolué dans différents clubs et a connu les nouvelles générations, tu n’as pas peur d’un potentiel décalage entre des joueurs très jeunes et un coach qui a presque 70 ans ?

P.B. : Je ne suis pas convaincu. C’est un entraîneur qui était encore en activité avant d’arriver et il est toujours resté dans le foot. Les coachs évoluent avec le temps et je n’ai pas l’impression qu’il est largué, ou trop à l’ancienne. A mon époque, j’entendais que Bölöni, c’était des préparations très dures, un discours unilatéral, … Là j’ai l’impression que dans son discours de préparation, il y a le fait de gérer l’état physique des joueurs, il n’y a pas eu de blessés jusqu’ici par exemple. Pour moi la différence d’âge n’est pas vraiment un problème.

T.M. : Bölöni prône un retour aux bases du football avec un jeu très classique en s’appuyant sur les ailes. Penses-tu qu’un jeu plus basique que ce qu’on a pu voir récemment chez les promus (Toulouse, Auxerre, …) peut s’adapter aux objectifs de remontée immédiate ?

P.B. : Je pense que cela ne dépend pas du système. Je lisais aussi un papier sur lui où il expliquait que le fait de jouer en 3-5-3, 4-4-2, 4-3-3, ce n’est pas forcément ce qui l’intéresse et que l’important c’est l’animation offensive et je trouve que c’est plutôt cohérent. Maintenant on parle beaucoup du système pour défendre, mais dans l’animation offensive ça bouge beaucoup. Je ne suis pas fermé à un système. Le 4-4-2 marche très bien : il est simple et permet d’avoir une assise défensive très solide. C’est surtout le fait de l’animer et d’être rigoureux dans le replacement défensif pour répondre à la tactique adverse qui importe. Je ne m’arrête pas au système, je ne me dis pas : « Ils vont jouer en 4-4-2 donc ils vont jouer défensif ». Je pense qu’il a aussi les joueurs capables d’aller vite et d’éliminer sur les côtés, de faire la différence en un contre un, ce qui est un atout considérable.

T.M. : Côté individualité justement, y a-t-il un joueur que tu attends en particulier pour cette saison ?

P.B. : Un joueur que j’aimerais voir réussir, ce serait clairement Matthieu Udol. Ne serait-ce que pour son mental et ce qu’il a dû endurer. Je l’avais rencontré en fin de carrière lorsqu’on était en soin en même temps à Clairefontaine, on avait discuté un petit peu et je respecte énormément ce mec qui arrive à retrouver son niveau constamment. Pour moi c’est un X-men. Après j’aimerais bien revoir Amine Bassi, je connais son talent et j’ai joué souvent contre lui quand il était à Nancy et c’est un joueur qui a beaucoup de talent. J’aimerais aussi revoir Niane planter. Bon après je suis un ancien donc je parle peut-être plutôt des joueurs contre qui j’ai joué. Mais sinon le petit Mikelbrencis que j’avais kiffé quand j’étais venu voir un match à Metz mais il faudra encore beaucoup de rigueur dans sa saison et que le cerveau aille avec. Je pense qu’il y a de la qualité dans cet effectif, sans parler de la Réserve, qui a été mise dans les mains de Sylvain Marchal que je connais un petit peu aussi et dont j’aime bien la philosophie du foot. J’ai aussi lu que Bölöni avait un œil particulier par rapport au centre de formation et ça colle bien à ce qu’est le FC Metz. En tout cas sur le papier ça donne envie.

T.M. : Le FC Metz a du mal à se stabiliser au plus haut niveau depuis deux décennies maintenant, qu’est-ce qu’il manque au FC Metz selon toi ?

P.B. : Je pense qu’il manque simplement du temps. Je trouve que le président Serin a effectué un travail remarquable depuis qu’il est arrivé. Il était là quand j’étais à Metz déjà, le club était en structuration et quand on voit aujourd’hui la structure du stade, ce qu’il a fait et le centre de formation qu’il est en train de bâtir et tout ce qu’il met en œuvre pour que le club passe un cap, il est dans sa marge. Les finances sont toujours saines, devant la DNCG vous ne tremblez jamais et tous les clubs ne sont pas dans cette dynamique. Même s’il est descendu, les choses mises en place par le président sont très cohérentes. Je vois plus le club grandir que stagner même s’il y a eu une descente et je suis ultra confiant par rapport à la suite. Je suis allé aux 90 ans du club, et je craignais que l’esprit soit un peu morose mais c’est toujours une famille. Il y a une nostalgie des belles années mais il n’y a pas de panique et l’esprit est sain à l’intérieur du club. Je trouve que le club est entre de bonnes mains.

M.M : Il n’y a pas de panique, mais tu peux comprendre l’agacement des supporters qui aimeraient bien voir le club se stabiliser…

P.B. : Oui évidemment tous les clubs rêvent de ça. Tous les supporters rêvent que leur club fasse ce qu’a fait le RC Lens, ce que fait aussi le Stade de Reims mais je pense que ça se structure. Je pense que c’est l’objectif du club mais pour y arriver il ne suffit pas de vouloir le faire. Les supporters sont dans leur rôle, ils attendent de la stabilité, des émotions, un parcours en Coupe de France, c’est normal. Mais les deux dernières saisons étaient dans un contexte particulier qui a brouillé les choses. Je trouve que la ville vit encore pour le club, on sent que les supporters sont là. Mais quand tu es le FC Metz, tu es forcément dépendant de ce qui arrive au-dessus, les joueurs attendent des offres de Ligue 1. Mais le mercato est long et il y aura certainement des opportunités. Mais le groupe est déjà nombreux.

T.M. : Le FC Metz ouvre sa saison ce 30 Juillet, face à Amiens, deux de tes anciens clubs, tu as encore de l’affect pour ces clubs en particulier ?

P.B. : Oui bien sûr. Moins pour Amiens car j’y ai seulement fait une partie de ma formation, j’ai intégré le groupe pro que pendant les entraînements et je n’ai jamais fait une feuille de match. Ce que j’ai d’ailleurs vécu comme un échec mais je n’ai pas de regret particulier. A Amiens, j’ai plutôt évolué avec la Réserve et le centre de formation. Par contre Metz j’ai toujours une attache particulière : c’est toujours le même président, je suis ami avec Steph Borbiconi que je vais voir souvent, j’aime venir au club. C’est une des villes que j’ai le plus kiffé et c’est l’un des clubs où je me rappelle avoir vécu malgré tout une bonne saison. C’est assez paradoxal car c’était très dur émotionnellement mais je ne regrette pas du tout car j’ai rencontré énormément de personnes que j’apprécie beaucoup et avec qui je suis encore en contact. Carlo m’a toujours apprécié, j’ai toujours discuté avec lui et c’est Monsieur Molinari quoi. D’ailleurs quand je suis revenu pour les 90 ans, tout le monde m’a reconnu et m’a salué, il n’y a pas de rancœur et ça s’est super bien passé. C’est un vrai plaisir de revenir à Metz.

T.M. : Tu as passé un an au FC Metz, durant la pire saison de l’histoire du club, comment ça s’est passé en interne ?

P.B. : Très dur, très dur. D’autant plus qu’à la trêve, on est cinquième et on a des vraies ambitions pour la deuxième partie de saison. Et au fur et à mesure qu’on perd des matchs, on se dit que ça ne va pas durer. Jouer la descente c’est épuisant, difficile, t’es en plein doute constamment. On avait une équipe de malade mental aussi, quelques petits bâtons ont été mis et on a peiné. On avait aussi pas mal d’insouciance et de jeunesse, mais je l’ai très mal vécu.

T.M. : Tu veux dire quoi par « des bâtons ont été mis » ?

P.B. : On a eu des comportements à l’intérieur du vestiaire qui n’étaient pas forcément en adéquation. Peut-être aussi que le staff n’a pas su répondre à plusieurs problématiques quand il fallait avoir un peu de caractère. Nous aussi on a notre part de responsabilité parce que peut-être qu’on n’a pas fait le travail. Mais tu ne peux pas non plus tirer sur les gamins qui jouent leurs premières saisons en pro : il y avait Bouna (Sarr), Kalidou (Koulibaly), (Romain) Métanire. Et après Mané il arrive mais qu’est-ce que tu veux lui demander : il dribblait tout le monde mais il n’avait jamais de finalité alors qu’il avait un talent dingue. On n’avait pas le temps à ce moment-là de pouvoir former les gamins et les intégrer au collectif. On a manqué certainement de personnalité et on a aussi eu un départ qui nous a fait mal, c’est celui de Fallou (Diagne) à l’intersaison. Il y a eu plein de petites choses qui ont fait que ça n’a pas marché. Je ne vais pas refaire cette saison là mais par rapport à l’équipe qu’on avait j’ai beaucoup de regrets. C’est là aussi qu’on voit qu’une bonne saison passe à pas grand-chose. Je me souviens de ce penalty à Bastia que je frappe, je ne sais pas si c’est le point de départ, mais après plus rien ne va alors que je persiste et signe : le ballon était rentré.

M.M. : J’étais en tribune Est lors de ce match et on l’a aussi tous vu rentrer…

P.B. : C’est ce que je pense aussi. Mais l’autre problème de cette saison c’est qu’on était toujours dans cette éternelle positive attitude. Vu qu’on fait une bonne première partie de saison, on commence à perdre des matchs et on ne lâche pas pendant 4-5 matchs ou on perd alors qu’on fait du bon contenu. Et la chose s’inverse totalement : au lieu de faire poteau rentrant, ça fait poteau sortant. Cela me fait penser au Rodez d’il y a quelques saisons pour qui j’ai craint la même chose. Il nous restait peut-être 15 points à prendre pour nous maintenir, ça parait peu mais au final ils ne sont jamais venus. Au fur et à mesure, tu as le doute qui commence à se mettre en place et tu joues avec la pression. Tu as aussi les supporters, dans leur rôle, qui viennent te mettre la pression parce qu’ils ont l’impression que tu ne fais pas le travail. Après moi personnellement je l’ai mal vécu, ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, certains rebondissent plus facilement. Quand je suis arrivé à Nîmes ensuite, sans faire offense au FC Metz, mais redescendre en National à 30 ans, c’était un sacré échec. J’ai préféré partir parce que je ne sais pas si en National j’aurais eu le comportement qu’il fallait pour reprendre le truc.

M.M. : A l’époque, j’étais entrepreneur et j’avais été sponsor maillot pour le match contre Lens. Je ne l’ai plus jamais fait ensuite parce que je ne voulais pas participer à cette poisse.

P.B. : Dans des situations comme ça, on se raccroche à tout. Au moment où je viens d’Evian, je viens de monter en Ligue 1 et je retourne en Ligue 2. Je savais très bien que l’année passée, Metz avait frôlé la descente et que ramener des mecs qui avaient monté, cela faisait partie de la dynamique positive que la club a essayé d’instaurer. Ce qui était vrai et j’ai toujours été à peu près droit dans mes bottes par rapport au club. J’ai toujours essayé de remplir mon rôle jusqu’à la fin. Même si des fois j’ai été mauvais je n’ai jamais triché.

M.M. : Aujourd’hui tu es consultant pour L’Equipe 21, qui va diffuser la rencontre Metz-Amiens ce 30 juillet, c’est pas mal de commencer sa saison à St-Symphorien dans un stade que tu connais bien…

P.B. : Alors pour ce premier match, on sera en cabine de Paris, donc je ne pourrais pas être sur place, mais j’ai déjà eu l’occasion de découvrir la nouvelle tribune d’ailleurs. Il y a quelques mois je l’avais visitée avec Stéphane Borbiconi quand on était venu avec Rana pour amener le reste de la dotation en chaussette technique pour les joueurs. Du coup j’avais demandé si c’était possible de visiter et j’avais vu les installations avec la nouvelle tribune de presse et l’arrière qui donne sur les terrains de tennis. Elle est fantastique cette tribune, c’est phénoménal ce qu’ils ont fait. Je me souviens aussi de cette galerie avec les coursives immenses pour les partenaires, les virages qui vont se fermer aussi. Le président m’avait montré le projet final. Ce sera un vrai stade moderne qui pourra accueillir des évènements et se rentabiliser. Il est mieux que 70-75% des stades de Ligue 1, il faut en prendre conscience.

T.M. : Pour poursuivre sur ton après carrière, tu as commencé ta reconversion après ta carrière de joueur pour être aujourd’hui consultant pour L’Equipe, comment cela s’est passé ?

P.B. : J’ai eu la chance de ne pas vivre la petite mort du sportif et j’ai vite fait ma transition. J’ai été super bien accueilli par L’Equipe qui m’ont mis dans de superbes dispositions. Je m’épanouis complètement dans cette chaîne et ça me fait super plaisir qu’ils aient la Ligue 2. L’année dernière c’était le multiplex, cette année ils gardent une rencontre, je trouve que c’est top parce que le public a complètement mordu à ce multiplex et a repris goût à la Ligue 2. Cette année en plus la Ligue 2 s’annonce ultra relevée et le spectacle sera génial. Je suis super content de ce que je fais et j’ai une chaîne qui me fait confiance et me fait progresser donc c’est top.

M.M. : Et maintenant que tu ne joues plus en pro, tu dois être plus tranquille. Parce que quand Orléans perdait à l’époque tu avais l’air moins en forme…

P.B. : Je savais que j’allais me faire attaquer donc fallait que je sois bien sur mes appuis pour répondre. Mais c’est quelque chose qu’on m’a souvent reproché au final cette double activité. Les gens ne comprenaient pas que pour moi faire de la télé c’était un divertissement comme aller au cinéma. Je me pense aussi légitime pour porter un jugement, même sur des mecs avec un niveau complètement supérieur au mien, parce que j’essaye d’être objectif et je connais un minimum le football. Après je ne veux pas fumer les joueurs juste pour les fumer. J’essaye toujours de me mettre à leurs places et je sais que le métier est compliqué. Après, quand un joueur à une mauvaise attitude je n’hésite pas, c’est vraiment ça que je regarde avant d’être sévère.

T.M. : Et pour finir, ton pronostic pour cette première rencontre du FC Metz ?

P.B. : Je vais être un peu chauvin et dire que Metz va l’emporter. Je pense que ce sera un beau match. Au niveau athlétique, je trouve Amiens très affuté et Metz aussi a beaucoup de joueurs costauds physiquement. Je m’attends vraiment à une belle rencontre que ce soit sur le plan physique mais aussi sur le plan du jeu. Je vais dire 2-1 pour Metz !

Propos recueillis par Mounir M. et Tanguy M.

www.socios-fcmetz.com

Crédit photo : L’Equipe, Icon Sport

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